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« Avec le Booster du Réemploi, nous voulons impulser une transformation collective ! »

Pour massifier le réemploi dans le bâtiment, une mobilisation collective des acteurs de l’immobilier est nécessaire. Fort de cette conviction, le Booster du réemploi est une initiative innovante fondée en 2020 pour créer et accompagner cette dynamique positive. Rencontre avec Claire Chabrol, chargée de projet chez A4MT.

En cohérence avec son engagement dans la réduction de son empreinte carbone, OGIC a rejoint en mars 2021 le groupement Booster du Réemploi. Cette alliance réunit une cinquantaine de maîtrises d’ouvrage publiques et privées et ambitionne de réduire de 20 à 30% l’impact carbone du secteur du bâtiment.

Pour atteindre cet objectif, le Booster promeut le réemploi comme « le mode de gestion des ressources le plus efficace et le plus vertueux » puisqu’il se substitue à la production de nouveaux matériaux. Aujourd’hui, l’offre de matériaux en réemploi est bien structurée, mais pas la demande. La solution du Booster du Réemploi ? Massifier la demande pour atteindre un effet de seuil. Explications avec Claire Chabrol.

Quel est le concept du booster du réemploi ?

Claire Chabrol. Le Booster du réemploi est porté par l’entreprise A4MT qui fait de la transformation de marché : l’idée est d’agir directement sur la demande pour créer un changement de pratiques, créer un changement de comportement des acteurs et surtout impulser de nouvelles pratiques vertueuses à l’échelle collective et individuelle !

Le Booster du Réemploi vise à structurer et développer de la demande des matériaux de réemploi par l’action collective. Nous avons trois missions :

  • La première, aider et accompagner les maîtres d’ouvrage publics et privés à prescrire du réemploi en facilitant les échanges avec les parties prenantes (architectes, entreprises de construction, fournisseurs, assureurs, AMO…). En ce sens, nous réalisons des actions concrètes pour les aider à intégrer au mieux des matériaux de réemploi. Nous accompagnons des maîtres d’ouvrage sur leurs opérations à hauteur de 5 projets par an pendant 3 ans. Au global, entre 150 et 200 opérations sont accompagnées chaque année par le Booster. Nous travaillons aussi bien sur des projets tertiaires, de logements, des projets mixtes… du neuf, de la rénovation, de la reconstruction après démolition.
  • Le deuxième, coaliser ces maîtres d’ouvrage autour d’une dynamique collective positive pour utiliser la force d’un groupe de donneurs d’ordre afin de massifier le marché du réemploi. Comment se former tous ensemble en mutualisant des retours d’expérience, des témoignages, et des apprentissages pour progresser tous ensemble ?  Par exemple lors des “Booster Session” qui sont des formations mensuelles, ou en mettant des experts autour de la table pour structurer ensemble des clausiers de réemploi et ainsi faciliter la prescription des matériaux de réemploi ?
  • Le troisième, structurer la demande des matériaux de réemploi, notamment en la rendant visible et prévisible, avec le développement d’une plateforme digitale : Looping.immo, qui permet de faire la synthèse des demandes de matériaux de réemploi. L’objectif est de pouvoir appeler simplement les matériaux disponibles et de fluidifier la mise en relation des offreurs et des demandeurs.

Pourquoi prescrire le réemploi aujourd’hui ?

Nous devons réussir à construire bas-carbone et le premier défi est donc de trouver les bons matériaux : les produits de construction et d’équipements peuvent représenter les deux tiers du poids carbone d’un projet, et sont donc un véritable levier.

L’autre opportunité, c’est la standardisation de la déconstruction, donnant accès à des gisements pléthoriques de matières et donc de ressources visibles. Un phénomène d’autant plus prégnant que les filières se structurent depuis plusieurs années et donnent à voir les matériaux disponibles. Cette structuration a lieu à plusieurs échelles : au niveau national, 90 plateformes sont d’ores et déjà identifiées , ainsi que des industriels qui ont développé des offres très spécifiques pour certains produits. Au niveau local, sur les différents territoires de métropole et dans d’autres pays, des acteurs spécifiques se développent un peu partout. Des cartographies existent avec des sites comme OPALIS qui recensent les vendeurs de matériaux de réemploi, ainsi que des fiches de retour d’expérience sur des projets et des matériaux…

L’autre levier, c’est que nous sommes portés aujourd’hui par la réglementation environnementale : l’impact carbone des matériaux de réemploi est comptabilisé à zéro dans une analyse du cycle de vie du projet dans la nouvelle réglementation environnementale RE2020. Par ailleurs, est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2022 l’obligation réglementaire de réaliser un diagnostic PEMD (déchets issus de la démolition et de la rénovation), ce qui permettra à terme de donner de la visibilité aux ressources disponibles sur les chantiers de déconstruction. Et ces matériaux, nous savons de mieux en mieux les réemployer ! L’enjeu est de faire coïncider la disponibilité de ces ressources avec la demande sur les opérations en ayant besoin.

Nous sommes portés aujourd'hui par la réglementation environnementale : l’impact carbone des matériaux de réemploi est comptabilisé à zéro dans une analyse du cycle de vie du projet dans la nouvelle réglementation environnementale RE2020.

Claire Chabrol, chargée de projet chez A4MT

Les dernières opportunités ne relèvent pas du gain carbone, mais de la réduction de la production de déchets. En France, la production de déchets est considérable, 228 millions de tonnes de déchets en 2014. Sur ce total, les matériaux du gros-œuvre et du second-œuvre représentent 40 millions de tonnes, et un véritable gisement potentiel de ressources de réemploi. L’autre gain est la création d’emplois : traiter une tonne de matière en recyclage ou en réemploi génère davantage d’emplois locaux que le traitement d’une tonne de déchets à l’enfouissement.

Comment fonctionne le Booster du réemploi dans sa relation avec les acteurs ?

A l’heure actuelle une cinquantaine de maîtrises d’ouvrage ont rejoint le Booster du réemploi: promoteurs, utilisateurs, investisseurs ou même bailleurs, collectivités.

Lors de son lancement en septembre 2020 au MIPIM, le pôle historique du Booster du Réemploi se concentrait sur des maîtrises d’ouvrage privées. Avec le temps, nous avons lancé un pôle industriel de maîtrise d’ouvrage public en 2021, ainsi qu’un pôle spécifique aussi pour les J.O. 2024. Nous continuons de nous ouvrir aux territoires, aux aménageurs, aux entreprises, aux architectes ainsi qu’aux bailleurs sociaux. À chaque fois, les partenaires du Booster du Réemploi co-construisent avec nous des méthodologies de travail en nous apportant leurs connaissances, y compris sur les sujets les plus techniques du réemploi.

Source : Booster du réemploi.
Avec cet écosystème d’acteurs, nous travaillons actuellement sur 265 projets sur tout le territoire, en particulier en Île de France et en région Lyonnaise, où nous avons lancé un Booster Lyonnais il y a quelques mois. Il a vocation à intensifier l’accompagnement des maîtres d’ouvrage qui souhaiteraient s’engager dans la pratique du réemploi en région Rhône Alpes.

Dans le Booster, une cellule coordination permet aussi de recenser des acteurs du réemploi en France, de transmettre les stratégies territoriales de réemploi, les évolutions réglementaires, pour aider tous les acteurs à se tenir à jour, et de nourrir cette dynamique collective !

Comment cela se passe-t-il sur la partie projet ?

Dès les premières réunions de conception, nous présentons aux équipes des cahiers d’inspirations projets et matériaux. Notre mission est d’évaluer, avec les équipes projet, quels vont être les potentiels de réemploi : réemploi in situ dans le cas d’une déconstruction, importation des matériaux de réemploi, définition de la quantité, identification des acteurs capables de nous aider à qualifier et trouver le gisement… Nous aidons ensuite les équipes pour que cette prescription du réemploi soit facilitée, qu’elles puissent s’en saisir et lorsque cela est possible être accompagnées par des AMO réemploi, qui les suivent sur le long terme.

Est-ce que certains projets partent des matériaux disponibles pour la conception du programme ?

L’un des sujets de fond est en effet de savoir si l’on conçoit à partir de la matière ou bien si l’on recherche la matière collant à la conception du projet. La plupart du temps, la conception prime sur le choix des matériaux, mais ce n’est pas toujours le cas : par exemple, lorsque nous identifions des cycles existants comportant de la déconstruction, et que les matériaux à disposition sur le site peuvent constituer la base d’une conception.

Cette nouvelle manière de voir réinterroge les pratiques architecturales : comment repenser l’architecture dans le contexte de la réglementation environnementale RE2020 ? Comment celle-ci peut-elle devenir vectrice d’un nouveau langage architectural ?

Claire Chabrol, chargée de projet chez A4MT

De nombreux architectes ont d’ailleurs travaillé sur le sujet du réemploi, et notamment de son impact patrimonial, autrement dit : dialoguer avec un bâtiment à travers l’histoire de ses matériaux. Dans un projet de réemploi à partir de produits de construction préexistants sur un site, l’architecte peut retracer l’histoire du lieu par le matériau. Pour les architectes, c’est une réelle opportunité de partir de cette histoire pour en créer une nouvelle. Il faut toujours intégrer les architectes dès que possible dans les réflexions car ils sont les garants de l’histoire qui sera véhiculée par le projet. À ce sujet, je renvoie au travail de l’architecte Jun’ya Ishigami.

Quel est l’impact des matériaux de réemploi, notamment dans le contexte de la nouvelle réglementation environnementale (RE2020) ?

Nous avons développé avec Evea et le CSTB une méthodologie pour calculer l’impact du réemploi (carbone, eau, déchets). Cette méthodologie diffère de celle établie dans la RE2020, puisque dans le cadre réglementaire, c’est tout simplement zéro. Pour être plus proche du réel, nous avons travaillé à rendre compte des bénéfices mesurables du réemploi, et ce sur l’ensemble du cycle de vie. Ces deux méthodologies ne sont pas opposées, bien sûr ! La nôtre a été développée dans le cadre des trophées bâtiment circulaires du Booster du Réemploi. Elle est évolutive, fruit de nos discussions avec les acteurs.  

Quel est le rôle des promoteurs ? Qu’est-ce qu’ils attendent de vous ?

Les premiers adhérents du Booster étaient animés de la volonté de transformer leurs pratiques et d’intégrer l’économie circulaire dans leurs opérations. Prendre part au Booster du réemploi, leur permet d’entraîner cette transformation sur le terrain par la sensibilisation et la formation des équipes, mais aussi de relever les défis techniques du réemploi. En somme, les maîtres d’ouvrage font partie intégrante de ce vecteur d’entraînement de la transformation des pratiques collectives !

À quelle échelle est-il intéressant de mettre en place une démarche d’économie circulaire ?

Une stratégie d’économie circulaire se pense à l’échelle d’un bâtiment, mais pas seulement ! Elle doit être pensée à d’autres échelles : celle d’un produit ou d’un territoire.

Pour l’expliquer, nous pouvons prendre l’exemple d’un des piliers de l’économie circulaire définis par l’Ademe, l’approvisionnement durable : comment extrait-on des ressources et approvisionne-t-on nos opérations pour réussir à limiter l’impact sur l’environnement ?

  •   À l’échelle d’un produit : comment avoir un bois qui provient d’une forêt gérée durablement ? Comment emploie-t-on des matériaux biosourcés ou géosourcés plutôt qu’un matériau plus polluant ?
  • À l’échelle d’un bâtiment : comment relocaliser l’approvisionnement des matériaux de construction, par exemple à travers le réemploi ?
  •   A l’échelle du territoire : comment trouver ces matériaux localement ou, en tout cas, qu’ils ne voyagent pas de trop loin ?

Ces trois échelles sont la raison pour laquelle nous travaillons à combiner les dynamiques individuelles et collectives !

Quels sont, selon vous, les matériaux les plus aisément réemployables aujourd’hui ?

Il y a aujourd’hui, une forte tension sur l’approvisionnement de certains matériaux. Faire du réemploi, c’est avoir un levier face à cette tension, que ce soit face à l’augmentation du prix, la disponibilité des matériaux ou encore la complexité de leur acheminement. Avec le réemploi, on s’assure de la disponibilité du produit puisqu’il est déjà là.

Les matériaux les plus faciles à intégrer en réemploi ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. Dans notre top des matériaux réemployables, il y a :

  •   le faux plancher pour lequel la technique est complètement maîtrisée,
  •   le chemin de câbles,
  •   les céramiques de types appareils sanitaires (lavabos, WC, vasques, éviers, etc.),
  •   les moquettes,
  •   les revêtements de sols souples (dalles),
  •   les cloisons,
  •   le mobilier,
  •   les aménagements extérieurs (dalles, gravillons, pas japonais, etc.).  

Source : Booster du réemploi.

Quels sont les impacts de l’économie circulaire sur l’architecture ?

À travers la conception bas carbone et l’économie circulaire se pose une question : quelle esthétique et quelle architecture ces prismes vont-ils générer ? Cette nouvelle manière de voir réinterroge les pratiques architecturales : comment repenser l’architecture dans le contexte de la réglementation environnementale RE2020 ? Comment celle-ci peut-elle devenir vectrice d’un nouveau langage architectural ? C’est la question posée par la Commission européenne, qui a lancé il y a 2 ans avec l’impulsion d’Ursula von der Leyen le Nouveau Bauhaus Européen. Il réinterroge l’architecture et la collaboration entre les différents acteurs du monde de la construction et du design, et pose la question de cette esthétique véhiculée par les architectures bas carbone.

L’économie circulaire est au cœur de ces questions !