Longtemps cantonnée à un décor, la nature en ville reprend aujourd’hui une place essentielle dans les cadres de vie urbains. Fabriquer la ville, c’est aussi redonner sa place au vivant à tous les niveaux : trame verte, renaturation des sols, végétalisation, création d’espaces verts, agriculture urbaine, etc. Pourquoi ? Selon plusieurs experts réunis lors du salon ProDurable, la réponse est simple : parce que c’est une nécessité absolue.
« Chassez la Nature, elle revient au galop ! », tel était le titre d’une table ronde du Salon ProDurable animée par Pierre Darmet, Directeur Marketing et Innovation des Jardins de Gally. Un retour qui s’est observé d’abord et avant tout dans le cœur des citadins, et plus encore face au confinement comme l’a rappelé Pierre Darmet en ouverture : « Selon une étude de l’IFOP, le premier souhait en matière de logement pour 8 Français sur 10 est l’accès à un espace extérieur, entendu comme une terrasse ou un jardin ». Santé, bien-être et accès à la nature en ville seraient ainsi étroitement corrélés. C’est cette conviction, étayée par de récentes recherches scientifiques comme notamment une étude de Stanford, qui ont servi de pierre angulaire au projet Seconde Nature d’OGIC à Marseille.
Plus vitale encore que ce besoin d’espaces naturels, la nature en ville constitue aujourd’hui un impératif incontournable dans la mise en oeuvre de l’aménagement urbain. Pourquoi créer des espaces naturels en ville ? Quels sont les rôles de la nature en ville ? L’objectif est avant tout de faire surgir une ville durable et résiliente, en harmonie avec les écosystèmes vivants. Petit tour d’horizon des enjeux de l’écologie urbaine et des multiples rôles de la nature en ville.
La nature en ville, rôle N°1 : favoriser la biodiversité
« Nous l’avons tous expérimenté : lorsqu’on crée les conditions favorables, la biodiversité revient en ville ! », raconte Christine Aubry, ingénieure-agronome et spécialiste de l’agriculture urbaine à l’INRAE. « Sur le toit d’AgroParisTech, nous avons créé un espace expérimental dans lequel on a fait une petite zone de biodiversité : 20 cm de compost, et on a laissé ça vivre… Aujourd’hui, nous avons une biodiversité considérable ! ». Tout l’enjeu est là : créer les conditions favorables au retour de la nature en milieu urbain.
Mais était-elle vraiment partie ? De nombreux scientifiques anglo-saxons ont entamé des recherches novatrices sur l’écologie urbaine à la fin du siècle dernier avec la conviction que, non, la nature ne se développait pas que dans les espaces verts. « L’écologie urbaine est un sujet récent ! » rappelle Tolga Coskun, écologue urbain et directeur du Pôle Biodiversité chez Arp-Astrance :
« La biodiversité en ville, après avoir été un sujet de marge, va notamment émerger lors du Grenelle de l’environnement en 2007 qui a mis sur la table le concept de Bâtiment à Biodiversité Positive (BPP), avec la crise économique en 2008 où la biodiversité devient critère de différenciation des projets urbains dans un contexte de resserrement du marché, ou plus récemment, avec une montée en puissance considérable des sujets d’écologie urbaine aux niveaux citoyen et politique. On citera notamment la Loi pour la Reconquête de la Biodiversité des Paysages en 2016, qui rend obligatoire la protection des espèces même dans un cadre urbain ! »
Aujourd’hui, de nombreux labels contribuent à aiguiller les acteurs de la ville dans la prise en compte du développement durable et de la biodiversité, comme le label Biodivercity®, qui sert de véritable modèle de mise en œuvre à OGIC dans la conception, la construction et l’exploitation de chacun de ses programmes. Cette labellisation intègre une approche plurifactorielle, qui permet notamment de prendre en compte la densité d’ espaces verts et de jardins, les vues sur la nature et le paysage, et même les aspects pédagogiques de découverte de la biodiversité proposés aux futurs habitants.
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La nature en ville, rôle N°2 : réguler la température en ville
« Nous savons aujourd’hui que le végétal est la meilleure climatisation naturelle », selon Élodie Grimoin d’Urban Canopée. Le rafraîchissement urbain est un enjeu majeur pour les villes dans le contexte actuel de surchauffe urbaine avec des épisodes caniculaires de plus en plus fréquents, et de réchauffement climatique à l’échelle planétaire.
Une des meilleures solutions contre un îlot de chaleur urbain ? S’appuyer sur la nature elle-même en privilégiant les services écosystémiques naturels à travers la création de points de fraîcheur en ville, c’est-à-dire des zones d’ espaces naturels fortement végétalisées qui vont :
- Créer de l’ombre, ce qui protège le sol et les personnes dans l’espace public
- Rejeter de la vapeur d’eau grâce à la photosynthèse
« Plus la végétation est dense, plus c’est efficace et ce à toutes les échelles, bâtiment, quartier, ville, voire région. » surenchérit Christine Aubry, qui souligne que la nature en ville, grâce à la végétation et à la présence d’espaces verts, permet aussi d’améliorer la qualité de l’air et de lutter contre la pollution atmosphérique et in fine le réchauffement climatique, car elle assure un stockage du carbone dans les sols.
Les modules d’Urban Canopée agissent en ce sens, avec des canopées végétales légères composées d’un maillage en matériaux composites qui permet la croissance d’ espèces végétales de plantes grimpantes avec peu d’encombrement au sol, et d’une box d’irrigation intelligente : « L’objectif est de rafraîchir avec l’évapotranspiration, l’albédo et l’ombrage sur environ 50 mètres carrés ». La présence de la nature au cœur de la ville participe ainsi à la régulation des températures en milieu urbain.
La nature en ville, rôle N°3 : renaturer les sols
« Après avoir été considéré comme destructeur de biodiversité, le promoteur a aujourd’hui le rôle d’être un vrai recréateur de nature en ville ! » explique Clément Théry, Directeur de l’Innovation chez OGIC. Dans le cœur des métropoles, le foncier disponible est souvent très artificiel et donc minéralisé. Cela pose de nombreux problèmes, que ce soit la faible biodiversité de ces espaces ou leur incapacité à absorber l’eau, ce qui accroit les risques d’inondations :
« Nous mettons en place des stratégies de désartificialisation des sols. Pour cela, il faut entrer dans l’épaisseur du sol, c’est-à-dire de ne pas seulement enlever l’enrobé, mais de recréer un sol véritablement fertile, en prenant en compte de son épaisseur et en décompactant la terre, pour permettre à une vie naturelle de faire son grand retour. Certains espaces verts ainsi recréés peuvent être destinés aux habitants d’un immeuble, mais aussi être rétrocédés à la ville pour que tout le monde puisse en profiter ! ».
Mieux encore, cette renaturation a un rôle majeur dans la régulation de l’eau en milieu urbain, son absorption donc, mais aussi sa rétention par les sols, rappelle Christine Aubry : « La ville de New York finance l’agriculture sur les toits du fait du service de rétention d’eau qu’elle procure. Nous avons montré que l’agriculture sur toit permettait de retenir entre 75 et 85% de l’eau, comme l’illustre la ferme urbaine au-dessus d’AgroParisTech. » Il est donc crucial pour les territoires urbains que les études de construction des promoteurs, tout comme les plans locaux d’urbanisme, intègrent ces enjeux de renaturation des sols.
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La nature en ville, rôle N°4 : recréer du lien social
Les experts de la biodiversité en milieu urbain travaillent aujourd’hui beaucoup autour de la notion centrale de “biophilie”, ce besoin inné de la nature chez l’homme. La présence de la nature en ville serait ainsi étroitement liée avec le bien-être des populations citadines. Depuis une dizaine d’années, les sciences de la vie, et en particulier les recherches en santé urbaine publient des études qui établissent un lien entre niveau d’urbanicité et troubles psychiques. La présence de nature sous quelque forme que ce soit (jardins partagés ou jardins publics, aménagement d’espaces verts, végétalisation des balcons, etc.) serait donc étroitement corrélée avec le bien-être des urbains.
En parallèle, les projets de reconquête des espaces urbains par la nature présentent également des avantages du point de vue sociétal. « L’agriculture urbaine, même si elle n’a pas vocation à nourrir toute une ville, peut y participer à plusieurs niveaux ! » affirme Christine Aubry. « Elle y participera d’autant plus que l’agriculture périurbaine sera maintenue ou se développera sous forme de ceinture verte ». Mais la création de micro fermes urbaines, de jardins collectifs ou d’îlots de nature en ville a d’autres bienfaits, notamment en termes de vivre ensemble. Elle n’a donc pas qu’une vocation d’approvisionnement :
« C’est un outil pour créer du lien social ! Aujourd’hui s’ouvre toutes une gamme de services culturels et sociaux à travers les jardins, la participation citoyenne à l’entretien du végétal, et les services éducatifs qui se développent partout en France. Les citoyens veulent mieux comprendre les cycles du vivant, et cet aspect éducatif est très important, notamment auprès des plus jeunes, pour qu’une nouvelle génération s’empare de ces sujets ».
Une belle conclusion qui ouvre un horizon positif pour les futurs habitants des villes et leur bien-être dans leur environnement.
Image de couverture : résidences de l’Orée du Lac, situées dans un nouvel éco-quartier au Vésinet.