Le Carré des Siècles
Redonner vie au patrimoine, rendre une part de son histoire à la ville
Le patrimoine d’une ville est une richesse qui appartient à tous. À Versailles, un ancien hôpital royal construit au XVIIIe siècle a été laissé à l’abandon pendant plus de vingt ans. À l’initiative de la municipalité, un ambitieux projet de réhabilitation est engagé, avec l’idée d’en réinventer les usages et d’y réinsuffler la vie. Un site exceptionnel et chargé d’histoire réhabilité avec une conviction : redonner un nouvel élan au patrimoine, c’est rendre une part de son histoire aux habitants.
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de couverture en ardoise
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de charpente en chêne reconstruite
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portes et fenêtres restaurées ou refaites à l’identique
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logements, dont 80 chambres en résidence étudiante
Conçu par l’architecte Charles-François d’Arnaudin et bâti entre 1781 et 1859, l’hôpital Royal de Versailles était laissé à l’abandon. Édifice exceptionnel, son origine remonte même à Louis XIII qui avait ordonné la construction d’une Maison de la Charité, il avait vu sa fréquentation croître constamment jusque dans les années 1960. Classé monument historique, l’extraordinaire bâtiment devint malheureusement obsolète après le transfert de ses activités hospitalières vers un nouveau site en 1981.
À l’initiative du maire François de Mazières, un projet salutaire voit le jour : redonner vie à ces bâtiments exceptionnels et réintégrer ce patrimoine architectural à la ville. Avec les architectes Jean-Michel Wilmotte et Frédéric Didier des Monuments Historiques, OGIC va entreprendre l’un des plus importants projets français de réhabilitation de cœur de ville : le Carré des Siècles.
Récompensé par le prix spécial du jury des Pyramides d’Argent, l’Hôpital Richaud est réinventé en lui trouvant de nouveaux usages : des logements, des bureaux, des commerces et un lieu de culture dans une ancienne chapelle, tout en rénovant chaque détail d’époque pour lui rendre toute sa splendeur. Un défi exceptionnel qui débute en 2010 et est inauguré en avril 2015.
Redonner toute sa splendeur à l’édifice historique
À partir de 1997 commence une période difficile pour l’Hôpital Richaud : faute d’entretien et de surveillance, l’édifice est livré au vandalisme, à la dégradation jusqu’à ce que des incendies éclatent en 2009, soulignant l’urgence de sauver ce patrimoine exceptionnel. La dynamique est alors lancée par la municipalité et l’architecte Jean-Michel Wilmotte qui, avec l’appui de Norbert Dentressangle, confient à OGIC la maîtrise d’ouvrage déléguée d’un ambitieux projet de réhabilitation et de réinvention. Pour François de Mazière, maire de la ville :
« Il était évident à mes yeux que la restauration de Richaud était, malgré toutes les difficultés rencontrées, une occasion unique à ne surtout pas manquer. L’enjeu était de donner une nouvelle impulsion au quartier Notre-Dame en en faisant, grâce à la restauration de ce magnifique patrimoine, un lieu emblématique, si possible traversant, accueillant de nouvelles activités et redonnant à la ville l’usage des jardins et des abords ».
Pour relever le défi, nous avons fait appel à Frédéric Didier des Monuments historiques, architecte en chef du château de Versailles, qui prend en charge la rénovation de l’ensemble des parties classées de l’Hôpital Richaud, c’est-à-dire les deux escaliers, les façades, les toitures, la chapelle et l’ancien oratoire. Tout le projet de réhabilitation se fera avec une exigence : respecter l’authenticité jusqu’au moindre détail.
« Le parti général de restauration a été fixé d’emblée avec une exigence de qualité en faisant appel aux dispositions, matériaux et finitions d’origine – ardoises d’Angers, pierre calcaire de Saint-Leu, enduit plâtre et chaux et badigeons colorés aux terres naturelles, menuiseries à petits bois, etc. » résume Frédéric Didier. « Au Carré des Siècles, nous avons fait revivre dans la partie historique les sols, les escaliers et les belles matières d’autrefois » explique Jean-Michel Wilmotte.
Dans les ailes Ouest et Est, deux superbes escaliers monumentaux datant du XVIIIe siècle et du XIXe siècle reprennent leur lustre d’antan, tandis que dans le corps central du bâtiment, la chapelle, impressionnante rotonde de pierre inspirée par le Panthéon de Rome, a été rénovée et accueillera désormais concerts et expositions organisées par la ville de Versailles. Pour respecter cette promesse d’authenticité, il s’agissait aussi de libérer l’ancien hôpital de tous les greffons qui s’étaient ajoutés au fil du temps, de revenir au plan d’origine et l’adapter à ses nouveaux usages, notamment d’habitation.
Dans les espaces intérieurs amenés à accueillir de futurs habitants, les volumes ont été dégagés pour offrir de généreuses hauteurs sous plafond aux appartements : « Chaque espace a été dessiné, centimètre par centimètre, afin d’optimiser au maximum la surface des logements ». L’ampleur et la majesté des bâtiments permettent de créer des espaces intérieurs exceptionnels : avec 66 appartements allant du studio au huit pièces, avec des hauteurs de plafond pouvant aller jusqu’à cinq mètres, et des séjours dépassant les 75m2.
Un patrimoine vivant est porteur d’avenir lorsque l’on sait être à l’écoute de son génie propre et en révéler les qualités
Frédéric Didier, architecte en chef des monuments historiques
Pour Virginia Bernoux, Présidente du Directoire d’OGIC : « Valoriser le patrimoine d’une ville, c’est parfois transformer l’usage des bâtiments : des bureaux peuvent devenir des logements, une ancienne prison peut devenir un lieu de vie et de solidarité comme nous l’avons fait à Lyon, et ici un ancien hôpital en un quartier mêlant logements, bureaux, commerce et même une crèche. Cette réinvention est une clé pour une ville durable, capable de s’adapter aux usages des urbains ».
Au final, les travaux de restauration ont permis de redécouvrir un superbe exemple d’architecture hospitalière néo-classique : « Le monument historique est, de son côté, à la hauteur de nos espérances, sa magnifique restauration ayant permis de remettre en splendeur le travail de Darnaudin, architecte de Louis XVI, auteur de la magnifique chapelle centrale et des ailes l’encadrant » se réjouit François de Mazières.
Ouvrir ce patrimoine architectural et naturel sur la ville
Au centre de la ville, l’ancien hôpital Richaud était devenu un lieu fermé, qui rompait la belle animation de la rue du Maréchal Foch, engendrant une discontinuité dans le tissu urbain : « Paradoxalement, cet ensemble au cœur de la ville n’aura jamais été autant public que depuis qu’il est devenu privé ! » s’exclame Frédéric Didier.
Une « place des Vosges » ouverte aux Versailles
Dès le départ, le maire souhaitait pouvoir rendre accessibles aux Versaillais les trois jardins du Carré des Siècles. Un vœu de « porosité urbaine », qui aboutit à la création de 3 jardins ainsi que des passages piétons pour rouvrir ce quartier aux habitants et qui « vont permettre à tous de se réapproprier ce lieu chargé d’histoire » pour François de Mazières.
Ici un passage pour l’activité culturelle mène à l’ancienne chapelle devenue l’espace Richaud, là un chemin circule entre des jardins plantés. Et au cœur du Carré des Siècles, une cour centrale ouverte en journée à la traversée permet de flâner et de se rencontrer autour d’une élégante fontaine circulaire : « Je crois que tout est digne de la place des Vosges, et je suis fier que l’on ait pu redonner un lieu au public, tant intérieurement qu’extérieurement. Les Versaillais pourront tourner autour, entrer, se promener dans ces jardins à nouveau ouverts », se félicite l’architecte Jean-Michel Wilmotte.
Des jardins accessibles à tous
« La réalisation des jardins du Carré des Siècles fut particulièrement émouvante pour nous pour différentes raisons » confient les architectes paysagistes Neveux et Rouyer, et pour cause : on ne peut oublier la proximité du Château de Versailles et les légendaires Jardins de Le Nôtre, le célèbre jardinier de Louis XIV
Les jardins conçus pour le Carré des siècles, que ce soit le jardin central, le jardin Richaud ou celui de la Cour d’Honneur, rendent tous hommage à l’influence néo-classique tout en y apportant un regard contemporain : « Un projet paysager doit s’inscrire dans l’histoire des lieux, tout en étant contemporain. Notre conception pour les jardins est donc très influencée par l’époque du bâtiment et sa stricte symétrie. Le parterre formel, les alignements d’arbres palissés et le choix des végétaux (buis, ifs, charmilles) renvoient aux jardins de la tradition française ». Sur la façade avant, des essences fruitières rappellent les essences que l’on pouvait trouver lorsque l’hôpital était encore en activité.
Restitués aux habitants, car ouverts à tous, ces jardins, lieux de partages et de rencontres, offrent la douceur d’une nature retrouvée au cœur de la ville. Chacun peut s’y promener, s’y retrouver dans le calme et la sérénité. « Au-delà de la réhabilitation de ce magnifique bâtiment, c’est aussi la résurrection d’un îlot de deux hectares en plein cœur de la ville du Roi Soleil, qui est rendu aux Versaillais », se réjouit Norbert Dentressangle.
Faire dialoguer tradition et modernité
À la réhabilitation et la transformation du bâtiment ancien vient s’ajouter la construction de deux opérations de logements neufs de part et d’autre. « Un vrai défi pour garantir une unité à l’ensemble de l’îlot et rester dans le gabarit imposé par la structure historique : « Il fallait que ces édifices construits en 2014 s’intègrent dans notre paysage urbain fortement marqué par les siècles passés, sans pour autant se réduire à de simples pastiches, résume François de Mazières.
Pour retrouver une écriture équivalente, l’architecte Jean-Michel Wilmotte a séquencé ces ensembles avec des bow-windows contemporains, reprenant les rythmes des linéaires des façades du monument ancien, mais de façon moins imposante : « Des baies vitrées, regroupées sur deux niveaux pour donner de la verticalité et permettre de retrouver des éléments comparables en volume à ceux du monument historique ». L’architecture réinterprète ainsi les ordonnancements classiques, équilibre des volumes et des formes anciennes tout en proposant « des ornements subtils qui s’inscrivent dans notre temps », explique François de Mazières.
Au-delà du dialogue entre tradition et modernité, la programmation a veillé à sa mixité sociale, générationnelle et fonctionnelle. Ainsi, des logements sociaux sont pensés pour accueillir les étudiants (85 studios) : « L’idée de François de Mazières était de réunir les personnes âgées de l’EPHAD avec la jeunesse de la résidence étudiante », explique Jean-Michel Wilmotte. À cela viennent s’ajouter des logements en accession à la propriété, une crèche, des bureaux, des commerces en rez-de-chaussée, un espace culturel dans l’ancienne chapelle et les locaux de l’Académie dans l’ancien oratoire des sœurs.
Une densité de vie extraordinaire dans un lieu autrefois laissé à l’abandon, et qui trouve aujourd’hui un nouvel élan. Havre de nature et de beauté au cœur de la ville, l’ancien Hôpital Richaud dans sa splendeur retrouvée démontre, pour reprendre les mots de l’architecte Frédéric Didier, « qu’un patrimoine vivant est porteur d’avenir lorsque l’on sait être à l’écoute de son génie propre et en révéler les qualités ».
Crédit photo : Archipathist CC