New G
Proposer une nouvelle façon d’habiter la ville
Comment engendrer des comportements plus vertueux pour l’environnement et le vivre ensemble ? C’est là toute l’ambition du projet NEW G, inspiré des travaux du prix Nobel d’économie Richard Thaler sur le nudge, un concept issu des sciences comportementales qui théorise la puissance des incitations douces. Appliqués à l’architecture, ces « coups de pouce » génèrent autant d’économies d’énergie qu’ils recréent du lien social pour le bien de tous. Bienvenue dans le premier immeuble nudge au monde.
0
de surface de plancher
0
logements
0
dédiés à l’économie sociale et solidaire
Nudge
Le nudge (« coup de pouce » en français) est une action ou ensemble d’actions visant à encourager les individus à adopter des comportements plus vertueux pour eux-mêmes, leur communauté ou la planète, en contournant les biais cognitifs qui, comme notre environnement immédiat, influencent malgré nous nos décisions. Cette approche, enracinée dans les sciences comportementales et théorisée par le prix Nobel d’économie Richard Thaler, est réputée particulièrement efficace.
Espaces intermédiaires
Entre l’espace public et l’espace privé se trouvent des espaces, qualifiés d’intermédiaires car faisant le lien entre la rue et chez soi. Au-delà de la notion de passage d’un espace à l’autre, l’idée derrière le projet New G est d’investir ces espaces pour créer de nouveaux usages et retisser du lien social.
Architectes comme urbanistes ont toujours eu l’intuition que l’espace et le bâti avaient le pouvoir d’influencer les comportements humains. Une intuition que les modernistes et réformistes ont poussé à son paroxysme, en poursuivant l’idée que l’architecture pouvait faire naître un « homme nouveau ». C’est dans ce contexte que s’inscrit le nudge, et son application à un projet architectural de grande ampleur, avec les architectes Catherine Dormoy (ACD Architecte) et Vincent Parreira (AAVP).
Ce projet, c’est le premier immeuble « nudge » au monde. Un village vertical de onze étages, entièrement tourné vers la poursuite d’objectifs précis, dans la ZAC Paris Rive Gauche, un quartier en pleine mutation de la petite ceinture, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Cette Zone d’aménagement concerté est actuellement le terrain d’expérimentation du collectif Réalimenter Masséna, dont l’ambition est d’en faire un emblème du Grand Paris.
Conjuguer intuition architecturale et psychologie comportementale
L’idée d’OGIC ? Conjuguer l’approche intuitive des modernistes à cet apport majeur de la psychologie comportementale, dans le but de créer un cadre de vie alliant performance énergétique et fonctionnalité. L’extérieur donne déjà le ton : une structure en bois et 1 500m² d’espaces extérieurs végétalisés. Pour répondre à l’évolution des besoins des habitants, le bâtiment a été pensé dans une logique d’architecture évolutive, avec par exemple une pièce baladeuse qui peut se vendre ou s’acquérir en fonction des besoins des habitants.
« C’est le premier immeuble de logement en France de grande hauteur en ossature bois. Aucune référence technique n’existe à ce sujet, nous avons dû tout inventer. Notre métier, c’est d’inventer un monde ! Il faut être à l’écoute, réactif, se remettre en cause et sans arrêt prêt à oser des choses que personne n’a jamais osées auparavant… »
Nicolas Cadoux, directeur technique national
Écouter les aspirations des citadins pour concevoir des nudges adaptés
« Lorsque l’on veut utiliser l’approche nudge, la première des décisions est d’identifier les comportements que l’on souhaite encourager », note Eric Singler, directeur de BVA. C’est pour déterminer ces objectifs et concevoir une réponse immobilière adaptée qu’OGIC a fait appel à cet institut, pionnier du nudge en France avec la création en 2013 d’une unité dédiée. Deux axes sont retenus : le bien-être des habitants, de pair avec une convivialité retrouvée, et l’encouragement des écogestes.
« Encore faut-il comprendre ce qui freine les individus sur l’adoption d’écogestes et la création de lien social avec leurs voisins, relève Clément Théry, Directeur de l’innovation et du développement des grands projets chez OGIC. Nous sommes donc partis d’une démarche empirique, rigoureuse et innovante, tant dans le but d’identifier ces freins que de voir comment les lever en configurant efficacement un nouveau cadre de vie. »
Pour mener à bien cette deuxième phase, BVA a donc rencontré une vingtaine de ménages parisiens des XIIIe et XVe arrondissements. Dans le but de comprendre pourquoi, par exemple, les voisins ne se parlent pas lorsqu’ils se croisent, ou pourquoi certains laissent les lumières allumées lorsqu’ils n’en ont pas besoin, même si cela se répercute sur leur facture d’électricité. « L’être humain n’est pas un être rationnel, souligne Eric Singler. Nous avons beaucoup d’intentions très louables, et des comportements qui sont parfaitement contraires à ces intentions. » Ce qui explique, par exemple, que nous ne mangions pas toujours ce qui est bon pour notre santé. Un décalage qui s’explique par la notion de biais cognitifs : plusieurs sont à l’œuvre dans notre vie quotidienne.
« L’être humain n’est pas un être rationnel. Nous avons beaucoup d’intentions très louables, et des comportements qui sont parfaitement contraires à ces intentions. »
Eric Singler, directeur de BVA
Lire son interview
Un immeuble qui favorise les rencontres et la convivialité
Les Parisiens se plaignent régulièrement d’un certain anonymat, et pourtant ils ne vont pas spontanément vers leurs voisins. En effet, nous préférons instinctivement nous replier sur ce que nous connaissons, c’est ce qu’on appelle le biais du statu quo : qui désigne notre résistance exagérée au changement. De plus, cet isolement urbain se couple avec une forme de proximité parfois difficile à gérer : « Le voisin, à Paris, est quelqu’un qui en sait déjà trop sur moi, décrypte Clément Théry. Il m’entend rire, me disputer avec mes proches, il sait à quelle heure je me lève, je me couche, quand je regarde la télévision… »
Pour contrer ce biais, et redonner aux habitants une vraie maîtrise de leur identité comme de la communication autour de celle-ci, une attention particulière a été portée aux espaces intermédiaires, lieux de rencontre par excellence. L’immeuble NEW G a été conçu comme un village vertical centré sur le commun, et où le commun est incarné dans tous les espaces collectifs reliant le domicile et la ville : les escaliers ont été élargis, et les couloirs remplacés par des coursives ouvertes sur l’extérieur et inondées de lumière naturelle. Celles-ci traversent le volume central, comme autant de rues à ciel ouvert. Trait d’union entre les habitants, un pont habité surplombe le cœur d'îlot : espace de détente et de convivialité, c’est un lieu de rencontre ou de rendez-vous pour certains, de lecture ou de contemplation pour d’autres.
Pour aider les habitants à nouer des relations choisies avec leurs voisins, l’entrée de chaque appartement est personnalisable : une ardoise pour y écrire un mot ou un dessin, un rack à vélo, une table basse sur laquelle déposer livres et magazines dont on ne veut plus… tout est bon pour multiplier les points de contact. Et si cela ne suffit pas, un système a été conçu pour créer des prétextes à conversations : un mur de pixel qui permet de composer des messages pour ses voisins.
« Avec ce projet, nous avons créé un nouvel espace entre l’espace public et l’espace privé, en élargissant l’espace intermédiaire qui se trouve entre les deux. En l’enrichissant d’usages et de services prélevés sur la rue, nous recréons des possibilités de contact entre voisins, qui n’existaient plus dans le modèle haussmannien.»
Clément Théry, Directeur de l’innovation et du développement des grands projets
Mais l’un des points les plus innovants de NEW G, ce sont ces lieux partagés aménagés au sein de cet immeuble. : « Dans le modèle haussmannien, un certain nombre d’espaces et de services ont été externalisés sur la rue », explique Clément Théry. Le mouvement contraire s’amorce à NEW G.
Salle de sport, atelier de bricolage, terrasses, buanderie ou encore bibliothèque partagée… de nombreux espaces sont à disposition dans l’immeuble. Les enfants ont même droit à une aire de jeux sur la terrasse, sur laquelle se trouve aussi une grande serre potagère, ainsi qu’un écran de cinéma ouvert à tous les habitants. Tout a été pensé pour créer une vraie communauté de vie.
Pour faciliter l’appropriation des lieux, le graphiste et plasticien Malte Martin a créé une signalétique avec des couleurs mettant en évidence les usages : le rouge correspond aux zones dynamiques, le jaune pour la convivialité, etc. “New G est une occasion de repenser la relation entre la sphère privée et l’espace partagé”, explique Malte Martin. D’ailleurs, certains espaces partagés sont réservables : la cuisine du roof top, le jardin d’hiver et la salle de sport, par exemple, peuvent se réserver à l’aide de son téléphone, puis on y accède grâce à une serrure intelligente.
Au rez-de-chaussée, le cœur d’îlot est ouvert et accessible, avec une surface utile de 476m2 qui accueille 3 commerces en pied d’immeuble.
Nudge : un immeuble qui vous aide à prendre soin de la nature tout en bénéficiant de ses bienfaits
Dans NEW G, tout est pensé pour favoriser les éco-gestes. Les nudges, ces « coups de pouce », se retrouvent ainsi un certain nombre d’équipements imaginés par OGIC pour pousser les habitants à adopter les bons gestes pour la planète et s’émanciper du biais du temps présent. Des exemples de nudge ? Un pommeau de douche doté d’une diode électroluminescente, qui passe du vert au rouge après sept minutes sous la douche pour nous inciter à faire des économies d’eau, et toute une signalétique pour favoriser le tri sélectif.
L’un des objectifs principaux du green nudge est de favoriser une dépense énergétique minimale en utilisant nos biais cognitifs pour encourager les bons comportements. Pour favoriser une consommation raisonnable, un bilan énergétique comparatif entre les habitants sera ainsi mis en place, anonyme bien sûr, mais qui incitera à réduire sa consommation si nécessaire. Il sera adossé à un « serious game » pédagogique pour aider les résidents à réduire leur dépense énergétique. Pour s’assurer de l’efficacité des dispositifs, la consommation globale d’eau et d’électricité de l’immeuble va d’ailleurs être suivie sur les dix prochaines années.
Mais comme il est surtout question, avec ce projet, de créer un nouvel art de vivre, les résidents seront également interrogés régulièrement sur leur bien-être au sein de l’immeuble. Objectifs : réajuster, si besoin, ce qui doit l’être, comme par exemple changer l’usage d’un espace partagé si les habitants ne s’en emparent pas ! Réinventer nos lieux de vie, concevoir des bâtiments qui créent du lien social, c’est notre manière à nous de réinventer la ville.